L’Entreprise Libérée est un concept de gestion d’entreprise décrit en 2009 par Isaac Getz, professeur à l’ESCP. A contrario de l’approche pyramidale classique, l’entreprise libérée est intéressante pour nous, développeurs, habitués déjà à l’idée de libre, de responsabilité et de contribution partagée.
Commençons par définir les caractéristiques d’une entreprise libérée :
C’est une entreprise où chacun est libre de faire ce qu’il veut. Liberté, transparence et responsabilité.
Le concept est ancien, répandu dans plusieurs entreprises partout dans le monde, majoritairement issues du monde Industriel. En France, Jean-François Zobrist, ex-dirigeant de FAVI, équipementier automobile, l’a mis en place pendant plus de 30 ans. De nombreuses sociétés comme Gore-Tex ou Zappos par exemple utilisent ce système d’organisation d’entreprise. Cette approche peut-elle fonctionner dans un pays comme la France, où la culture est très très fortement hiérarchisée ?
Il s’agit tout d’abord de faire confiance à l’Homme, et au salarié. Que l’on soit patron ou simple développeur, imaginez une entreprise sans titre, sans « Chef de… » ou sans « Directeur Responsable Digital en Charge de la Numérisation« … Imaginez aussi une entreprise où chaque rôle et chaque personne est documentée. C’est la transparence des responsabilités de chacun. Imaginez aussi une société où tout le monde peut prendre des initiatives, et proposer des évolutions qui vont dans le sens de la société.
Certains proposent de supprimer les réunions et les rapports écrits quand d’autre permettent à n’importe quel employé de participer à une réunion. Cela peut aussi aller plus loin en permettant aux employés de travailler chez eux lorsqu’il le souhaite. Cela passe aussi par une transparence et une communication sur le chiffre d’affaire, les clients, les projets en cours. Etc.
Ce n’est pas forcément la fin du manager, mais une revisite de son rôle et de son travail. Il passe d’un statut de contrôleur (qui regarde à posteriori) à un statut de leader (il ou elle propose des idées et aide ses collaborateurs).
Ce n’est pas non plus l’anarchie, car chacun reste responsable de l’intérêt commun de l’entreprise, qui est de se développer, de faire un chiffre d’affaire et de permettre à l’ensemble des collaborateurs d’en profiter.
D’autres idées sont intéressantes comme la possibilité de laisser les employés gérer un budget, l’achat de ressources, leur donner une Carte de paiement d’entreprise pour leur permettre de souscrire à des services.
Et bien tout ceci existe déjà aussi dans notre monde de développeur.
Le rapport à l’entreprise en tant que Développeur
Je me recentre sur le métier du Développeur (H/F) car je pense que nous sommes une population prête à travailler de cette façon. J’aime tout d’abord l’idée que chacun doit pouvoir proposer des outils, des solutions ou des logiciels pour avancer, tant que ces choix s’effectuent dans l’objectif de développer la société. Chez Captain Dash, j’utilise souvent le côté économique pour aider les développeurs à prendre la décision dans l’intérêt de l’entreprise. Il suffit de rappeler que le budget de ce client est épuisé, ou qu’à contrario, nous avons le temps et les moyens de construire une solution plus éprouvée.
Essayez de parler argent/budget à un développeur, le traiter d’égal à égal et pas comme un exécutant qui ne peut pas comprendre que le client a payé 30 000 EUR pour le logiciel. Cela marche aussi pour les projets. Le rapport à l’argent dans la gestion projet doit être transparent, et aide les développeurs dans leurs prises de décisions.
La gestion de projet classique utilise les contraintes pour piloter le développement. Soit la date (« le client le veut pour mardi »), soit le budget (« le commercial l’a vendu XXX euros » quand ce n’est pas les deux. La gestion projet dans une entreprise libérée utilise l’approche positive : elle voit les ressources disponibles, et ensuite contraint l’un des pivots comme le temps ou le budget. Mais pas les deux. C’est aussi la base des méthodes Agile.
D’un point de vue espace de travail, une personne qui fait du développement a la capacité de travailler aussi à distance. Il ne sert à rien de venir chaque jour dans un bureau bruyant, où l’on passe sa journée avec un casque audio pour pouvoir se concentrer. Le développement à distance quelques jours par semaine se met en place très facilement. Cela demande des outils adaptés comme un bon gestionnaire de code source (Github), un système d’intégration et de déploiement continu, et des outils de communications efficaces (Slack, le téléphone, Skype, Google Hangout, Pivotal Tracker, le Mail, etc). Vous pouvez faire aussi la formule « je bosse 2h le matin de chez moi et je serai là à 11h00 ». Sincèrement, ça marche et le gain de productivité est important.
Sur le management, je pense que la valeur la plus importante est la transparence. Le code est librement accessible à tous les développeurs. Il est possible de mettre en place des revues de code via le système de Pull-Request, qui fonctionne plutôt bien. Je suis fasciné par un projet comme Angular.JS v1, qui a plus de 1300 contributeurs, 322 Pull-Requests, bref un projet qui est codé par des milliers de personnes à travers le monde.
Un des principes de l’entreprise libérée toujours pour les développeurs, est d’encourager tout le monde à pouvoir fixer un bug. Chez nous, un chef de projet peut faire un commit sur Github et déployer un nouveau fichier en production sans l’intervention d’un développeur. De même, chacun peut souscrire à des services et des APIs dans l’intérêt de l’entreprise. Il suffit qu’il prenne la Carte de paiement de la société. Slack par exemple a été proposé par 2 développeurs, puis rapidement adopté par l’ensemble de la société. La décision n’est pas venue d’un quelconque big boss.
Comment mettre en place ces principes ? Cela marche-t-il avec des freelances dans ma startup ?
Vous pouvez lire différents livres comme « La belle histoire de FAVI: l’entreprise qui croit que l’homme est bon » mais cela passe je pense d’abord par les dirigeants de l’entreprise. Car oui, il reste des dirigeants. Plus précisément, j’aimerai que l’on dise « les associés » de l’entreprise. Pour moi il s’agira forcément d’actionnaires de l’entreprise, qui peuvent et qui doivent porter un ensemble de valeurs, et montrer l’exemple. Chaque associé doit être transparent et montrer l’apport qu’il fait à l’entreprise, en terme de savoir-faire, et/ou de capitaux. Donc essayons d’imaginer une entreprise sans dirigeants, mais uniquement des associés-actionnaire, ce sera le seul niveau de hiérarchie.
Les collaborateurs pour moi doivent avoir le statut de salariés, avec les avantages et la protection que cela peut offrir. Un prestataire externe comme un freelance développeur ne peut pas fonctionner dans ce mode, car il n’a que faire du développement de l’entreprise. Il n’est pas intéressé au capital, il ne sera pas mieux payé s’il travaille bien. Il est là comme la machine à café ou l’abonnement Slack : c’est une commodité. Soit vous êtes actionnaire (et vous gardez votre statut de freelance) soit vous êtes collaborateur, et donc salarié.
Et si ça ne marche pas…
Tout changement apporte son lot de risques. Il y aura ceux qui sont perdus. Il y aura ceux qui ne savent pas quand vous êtes au bureau ou non. Il y aura celle qui travaille 12h et puis qui ne donne pas signe de vie… Bref tout ne va pas marcher au mieux.
Et bien tant mieux. La mise en place peut s’accompagner d’une retrospective hebdomadaire. Pour cela, pas besoin d’une réunion. Il suffit d’un stand-up meeting avec votre équipe.
Bref osez le changement, ou prenez l’option liberté pour votre prochaine startup. Cela va fonctionner.
Conclusion
Les développeurs vivent dans un monde où existent déjà l’open-source, Github, l’Agilité, les Code-reviews et l’intégration continue. Quelque part, c’est une population complètement libérée, qui est aussi constituée essentiellement par des personnes plutôt diplômées. Il suffit de faire le pari de l’humain, et de se dire qu’un développeur bien informé est bon et qu’il travaille dans l’intérêt économique de l’entreprise. Il travaille aussi pour lui, pour améliorer ses connaissances et son niveau technique. C’est une personne ouverte, qui a 2 composantes importantes : d’une part la capacité à écouter vos besoins, d’autre part la capacité à mettre en oeuvre une solution. Non ce n’est pas qu’un simple « codeur ». C’est aussi un animal social qui va analyser votre demande, chercher une solution adaptée, collaborer avec d’autres développeurs.
Bref une entreprise libérée
(libéréeeee, délivréee…… je ne mentirai plus jamais, laaa laaaa)
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Article intéressant, mais tu fais probablement un contre-sens sur le mot anarchie.
« L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir. »
En l’occurrence, je pense que l’entreprise libérée est plutôt anarchique.
J’adore ce sujet d’entreprise libérée… Très bel article.
Actuellement en mission dans le milieu bancaire, je me dis que les grands groupes, tous leurs processus et leurs dead-locks entre équipes de la même boite vont finir par les ruiner (enfin j’espère).
Sur le sujet je pousse toujours les contenus de l’USI :
https://www.youtube.com/watch?v=289lwrW_gP0 (rapport entre entreprise digitale et entreprise libérée en 2015, mais il y a plein d’autre vidéos).
Sinon plus grand public, Arté avait publié un beau reportage :
http://www.arte.tv/guide/fr/051637-000/le-bonheur-au-travail