Il est 17h40, vous attendez la réponse d’un développeur sur une demande client. Pourquoi ne vous-a-t-il pas répondu ? Pourtant vous lui avez envoyé un mail à 13h, avec marqué « Urgent ». Franchement, ce développeur commence à vous énerver. A chaque fois, il semble ignorer vos emails. Cela vous stresse. Vous avez mis son N+1 en copie, au pire sa chef le contactera ? Qu’allez vous répondre à ce client ? Vous décidez finalement d’envoyer un email au client à 17h50, et vous partez. La réponse du développeur arrive à 18h00, alors que vous êtes dans le métro : « je suis en vacances cette semaine ».
Qui n’a jamais vécu une scène similaire ? L’email est un outil massivement utilisé dans l’entreprise, qui vient sans son mode d’emploi. Plusieurs de ses caractéristiques entrainent des décalages de communication. Ces décalages génèrent de la frustration, de la colère, et vous amènent à prendre de mauvaises décisions. Si la majorité des personnes utilise l’email sans soucis, force est de reconnaître que nous avons tous, à un moment de notre vie professionnel, vécu ce moment.
On estime que la qualité d’un échange entre 2 personnes n’est que de 8% pour l’email. Entre ce que vous souhaitez exprimer, ce que lit votre lecteur, le moment où il lit cette information, il n’y a que 8% de message utile. Il y a donc de fortes chances que votre interlocuteur ne lise et ne comprenne pas exactement ce que vous souhaitez exprimer. Pensez aussi que l’email est un mode asynchrone. A aucuns moments, vous ne pouvez savoir que votre interlocuteur a lu (ou non) votre email.
Clarisse écrit un mail pour Thomas, un Chef de Projet. Elle le croise 8 minutes plus tard dans le couloir.
- salut Thomas, tu as vu mon Email sur la demande du client ?
- euh non, de quoi veux-tu parler ?
- bah tu verras mon mail, n’hésite pas à m’envoyer un mail si tu as des questions
- euh, et on peut pas en parler maintenant ?
- non, je n’ai pas le temps, je vais chercher un café
- […] ah, ok ça marche… tu m’en prends un ? Et envoie-le moi par mail aussi
Le téléphone permet de traiter plusieurs sujets, d’échanger et de faire passer son message par l’intonation de la voix. Je conseille d’appeler votre interlocuteur si vous dépassez les 5 aller-retours par email. Vous gagnerez du temps, et vous pourrez lever toute ambiguité. Le téléphone ou l’échange en direct permettent de se re-synchroniser, et de s’assurer que votre message est bien compris.
Vous pouvez coupler l’email à un échange téléphonique. Soit avant, soit après. Avant un appel important, vous pouvez envoyer une liste de questions ou de points à discuter. Après l’appel, vous pouvez envoyer une synthèse et les décisions prises pendant l’échange. Le téléphone ne garde pas de traces, alors qu’un email permet de conserver un historique pour vos archives. On voit bien que le caractère « Urgent » n’a pas à être traité par échanges d’emails.
De même, lorsqu’un échange d’emails devient agressif, il faut absolument arrêter les échanges et passer à un autre moyen de communication. Aujourd’hui je n’expédie plus d’emails « énervés« . Je vais vous donner un truc : lorsque je suis vraiment braqué suite à un échange de mail, il m’arrive de répondre à la personne, de sauvegarder mon email, mais de ne pas l’envoyer. Je me suis défoulé, j’ai mis mes idées sur un mail, mais je n’ai pas répondu à la personne. Souvent, je peux laisser passer la nuit, et le lendemain, je l’appelle. Faîtes cet exercice, ça marche. Votre interlocuteur sera étonné de vous voir appeler, ou de débarquer dans son bureau. Cela fonctionne.
N’oubliez pas aussi que les emails sont parfois utilisés par des personnes qui n’ont pas le courage social d’avoir une interaction avec l’autre. Pas envie d’écouter, d’échanger, d’entendre une plainte, d’avoir des questions auxquelles nous n’aurons pas la réponse… c’est parfois pratique non ? J’ai envoyé mon email « donc j’ai fait mon travail« . Il n’y a rien de pire que le management par l’email. Il y a évidemment des effets secondaires, qui entrainent parfois de vrais conflits entre personnes. Si cela vous arrive : ne répondez plus aux mails. Au bout d’un moment, Robert viendra voir si vous êtes toujours en vie. Mieux : prenez l’ascenseur et aller le voir. Il sera bien obligé de vous parler finalement.
Edward Hallowell, dans « The Human Moment At Work« , article publié en 99 sur le blog Harvard Business Review, rappelle l’importance d’avoir un moment humain au travail. Dans un univers numérique, il n’est pas possible de se passer des interactions entre humain. L’Homme existe depuis plusieurs milliers d’années. Les emails en entreprise n’ont que 20 ans derrière eux…
Revenons sur l’histoire du début de cet article. Un email avec marqué « Urgent » n’arrivera pas plus vite qu’un autre email. Il créé le sentiment d’augmenter son urgence dans l’esprit de l’expéditeur. Mais vous, comme moi, nous savons que l’email est un système asynchrone, où vous n’avez aucunes garanties du moment où il sera lu. Aucune. Vous pouvez passer un coup de téléphone, autant éviter de perdre du temps. On confond parfois urgent et important. Un email important, sans caractère d’urgence, peut tout à fait être envoyé. Un email urgent ne doit pas exister. Envoyez un SMS, un message sur Slack, déplacez-vous…
Une messagerie instantanée type Slack
Nous avons mis en place Slack chez Captain Dash. Avant cela, nous utilisions le chat intégré à Google, qui fonctionne aussi avec le client Chat sur Mac. Mais sincèrement, Slack est beaucoup plus efficace. Il permet tout d’abord de créer des salles de discussion persistantes. Ceci vous permet de suivre des échanges autour d’un thème. Nous avons donc créé des salles par client, par technologie, pour les développeurs, pour se défouler, bref le système est très ouvert et se gère tout seul.
Slack permet d’intégrer des outils de notification externes, comme par exemple un bot Jenkins. Dès qu’un build passe, vous pouvez ainsi suivre la santé du projet dans la room dédiée. Et vous pouvez d’ailleurs commenter et indiquer que vous avez lancé tel build pour par exemple, corriger un bug.
C’est un outil qui remplace beaucoup d’échanges par email. Il permet aussi aux personnes en télé-travail de continuer à échanger, et à suivre les discussions des développeurs. Il ne remplace pas nos réunions et nos échanges par téléphone/skype, mais permet d’améliorer la communication au sein de la société.
En conclusion donc, nous avons vu qu’il est important de sélectionner le média de communication selon l’urgence et l’importance du message. Si votre interlocuteur ne comprend pas, et que vous n’arrivez pas à clarifier un email, changez de moyen de communication.
De mon point de vue les seules méthodes asynchrones valables sont celles existant dans un contexte, par exemple:
– message Slack suite à une notification du CI
– répondre à un commit/PR sur GitHub/BitBucket…
– commenter sur des directives produis via Asana/Trello/…
Le gros soucis du mail, c’est que les deux correspondants doivent créer et comprendre le même contexte : ce qui implique d’inclure suffisamment d’informations -> perte d’efficacité et potentielle incompréhension.
Pour le contact synchrone (face to face, synchrone, meeting) : bien, mais s’assurer d’avoir une trace écrite (idéalement dans un contexte) de ce qui a été convenu. Sinon ça peut poser des soucis, surtout dans une équipe décentralisée.
Sur les questions de communications (par email notamment), je reviens toujours à cette présentation « Avaler la pilule rouge, recracher la pilule bleue » de Guillaume Duquesnay à l’USI 2010.
https://www.youtube.com/watch?v=vIt1UdosJck
Après il ne fait jeter le bébé avec l’eau du bain. A chaque canal son usage.
Pour les emails, quand tu envoies un mini dossier avec des faits, des explications, des tableaux, des graphiques ça fait quand même bien le job!
(Après le j’ai envoyé le mail donc c’est bon, c’est autre chose…).
Sinon même expérience avec Slack.
Comment vous estimez les 8% ?
Tiens on dirait qu’on revient à IRC ;o)
Merci pour votre article, Nicolas. Ça fait plaisir de lire un billet qui ne soit pas manichéen au sujet de Slack versus e-mail. En effet, je ne compte plus les articles qui présentent Slack comme « the email killer ». Or, ce qu’on observe généralement, c’est que Slack remplace efficacement les e-mails internes. Pour l’externe en revanche, le bon vieux courrier électronique reste la norme. Voilà pourquoi nombre d’utilisateurs sont toujours obligés de faire l’aller retour entre leur mailer et Slack.
C’est pourquoi avec trois associés nous avons lancé Clubble.io, qui fait le pont entre une team Slack et ses clients ou partenaires utilisant l’e-mail. D’un côté comme de l’autre, personne n’a à changer d’outil, notre solution se veut le plus « indolore » possible. Nous serions ravis que Captain Dash teste http://clubble.io et d’avoir votre feedback :-).
Plutôt fan de l’email en ce qui me concerne. C’est l’outil asynchrone par excellence. Tu as ta pile de messages, tu dépiles quand tu en as envie. Tu peux choisir de lire ou non, d’archiver ou non.
Quand j’envoie un email, je m’attends à ce qu’il soit lu, mais pas dans l’instant.
Le problème, c’est que dans les usages des gens, il est un peu fourre tout :
– Outil de messagerie asynchrone
– Outil de messagerie synchrone style messagerie instantanée
– Transfert de fichier
– Gestion documentaire non partagée (c’est le pire, et je pense que les gens le font consciemment « Le client ne m’a pas ce la spec que j’attends depuis 2 semaines. – Ben si, moi je l’ai eu. Ah, tu n’es pas en copie… – OK, tu l’as déposée où ? – Elle est là, dans ma boite mail, depuis 2 semaines… Tu peux poser ce gourdin s’il te plait ?)
– …
Bref, il faudrait une formation à l’email obligatoire dans les boites. Et ça : http://emailcharter.org/