Xebia organisait lundi 4 novembre son premier Open-XKE. En quelques mots, Xebia est un cabinet de consultants Java, Web, Mobile et Agilité d’une centaine de personnes à Paris. Bien connu de la communauté, Xebia fêtera d’ailleurs ses 10 ans l’an prochain. Hier, Xebia a ouvert les portes de leur célèbre XKE (Xebia Knowledge Exchange). Nous étions environ 250 personnes, pour la grande majorité des clients de Xebia, des candidats intéressés par la société, des futurs collaborateurs et quelques têtes connues de la communauté Java.
Chaque premier jeudi du mois, Xebia retire chacun de ses consultants en mission pour les réunir au siège, et partager une journée ensemble. Discussions, présentations, ateliers, c’est une formule qui existe depuis 2004. Reprise depuis par la plupart des sociétés de conseils, j’avais déjà participé à l’un des XKE en 2010. C’est un effort important pour l’entreprise, qui consacre environ 5% de sa marge au financement de cette opération. Lorsque l’on sait que les marges opérationnelles des SSII tournent entre 10 et 15%, c’est donc un effort important, ancré dans le code génétique de Xebia.
Après une keynote par Luc Legardeur, patron et fondateur de Xebia, nous avions le choix entre 5 salles différentes. Comme souvent, j’ai fait le choix d’aller voir des sujets moins techniques. Je me réserve pour Devoxx Belgique la semaine prochaine. Je suis donc passé voir :
– L’union fait la force, le rôle du Design Thinking dans l’innovation, par Hugo Geissmann et Alexandre Irrmann-Tézé
– Je suis manager… et je suis Agile ! par Clément Rochas et Benjamin Moitié
– La révolution de la User Experience et de la Dataviz par Sébastien Berten et Romain Landsberg
Globalement, chacune des présentations était bien menée. Des decks de slides type présentation Zen, une bonne gestion du temps, rien à redire là-dessus. Par contre, toutes les présentations auxquelles j’ai assisté, étaient effectuées en binôme. Or présenter en binôme, lorsque finalement cela n’apporte pas un réel plus sur le sujet, je pense que c’est dommage. Si l’un des deux, et c’est souvent le 2ème à parler, est un peu « en dessous » de son prédécesseur, cela casse le rythme. Pour avoir vu pas mal de présentations, il n’y a qu’en France que nous effectuons des présentations « à deux ». Mon seul retour serait de laisser un seul présentateur par session.
L’union fait la force : rôle du design thinking dans l’innovation
La première session permettait de découvrir le « Design Thinking« . Comment réorganiser et repenser le développement de nos services numériques ? Comme l’explique Hugo Geissmann, les producteurs de série américaine ont très justement compris l’importance d’une équipe pluri-disciplinaire. Regardez la composition de l’équipe de Stargate ou de l’Agence Tout Risques… Chaque équipe est composée d’un Stratège, d’un Exécutant et enfin d’un Scientifique. Le Stratège apporte la cohésion, la vision, c’est le responsable produit ou marketing. L’Exécutant est équipé des meilleurs outils techniques, et réalise rapidement des prototypes, ainsi que le projet en tant que tel. Enfin le scientifique est toujours là pour sortir l’équipe d’une mauvaise situation, en trouvant des solutions simples et différentes. Hugo revient sur l’aventure de AirBnB, avec entre autre la présentation de Joe Gebbia. AirBnB a décollé le jour où justement, l’équipe a fait des choix qui n’étaient pas scalable, afin de valider une idée. Le site ne décollait pas et vivotait avec 200 USD par mois. Les fondateurs en regardant leur site ont constaté que les photos des appartements étaient souvent mauvaises. Ils ont donc décidé de refaire toutes les photos de New-York, environ 40 appartements à l’époque, afin que le site donne une autre image. Et cela a fonctionné !
Le Design Thinking a été lancé dans les années 60 aux USA. Dans la présentation cependant, nous sommes restés centré sur la nouvelle problématique dans l’entreprise : l’utilisateur souhaite avant tout une expérience, peu importe comment la solution est développée. L’essor des différentes canaux (web, mobile) et surtout, notre niveau global d’appréhension de la technologie font, que de plus en plus de projets informatiques seront menés en se basant sur les idées du Design Thinking.
Tout d’abord, la conception d’un logiciel ou d’un service ne sera pas pensé par « QUI » le pilote, mais bien par le « COMMENT », par la façon dont il sera conçu. L’organisation de l’entreprise doit s’effacer derrière la réalisation de bout en bout du projet. Cela veut donc dire des équipes mélangées, où une personne du marketing travaille avec deux développeurs et un UX-designer. Le processus peut se représenter sous la forme de 2 losanges <><> où le premier losange représente une phase de découvertes, recherches, études de marchés pour se recentrer au final sur la définition d’un produit. La deuxième phase ensuite est l’exécution, dans laquelle on définit dès le départ des KPI de l’expérience utilisateur. A aucun moment nous n’aborderons la problématique technique. La réalisation de ce projet est donc bien la combinaison équilibrée d’une expérience utilisateur, d’une définition produit et enfin d’une exécution technique simple.
Imaginez un projet informatique sans que la cellule « Archi » ne vous force un choix technique… Imaginez un projet où la personne en charge de la vision produit est à côté de vous, va déjeuner avec vous, et partage avec vous ses idées… Enfin imaginez un développement où vous n’avez qu’un ou deux excellents développeurs, multi-disciplinaires, à l’écoute de vos idées et de vos propositions… C’est marrant, mais c’est ce que j’ai vécu pendant 15 mois à Zaptravel 🙂
La deuxième partie de la présentation nous donne quelques exemples concrets. Nespresso ne vend pas « que » du café, mais une expérience de bout en bout. L’organisation du marathon de New-York expédie aux participants des emails de conseils pour faire une bonne préparation, afin que le marathon ne dure pas « que » le temps de la course. Devoxx fait pareil avec sa lettre d’information, mais nous pourrions aller plus loin. Shimano a repensé le vélo afin de s’adresser à la majorité des personnes qui ne sont pas ultra-sportives et body-buildé. Cela a donné des vélos sans fourche, simple et facile à entretenir, ce qui a ensuite amené de nouveaux clients dans les magasins. Idem pour la WII, pensée dès le départ pour la famille au lieu de ne penser qu’aux hard-core gamers. Ces produits ont en commun de mettre l’utilisateur final au centre de la réflexion. Un contre-exemple, c’est cette BOX (pas la freebox) qui a une télécommande infra-rouge, ce qui vous forcera donc à laisser la box apparente, alors que nous préférons souvent la ranger dans un tiroir… La télécommande de la Freebox utilise la radio, ce qui permet justement de planquer ce boitier qui n’apporte rien, et d’ailleurs sur lequel il n’y a pas l’heure…
Que retenir de cette présentation ? Sur la partie entreprise, je pense que la grande majorité des organisations ne sont pas prêtes à suivre cette approche. Nous allons continuer longtemps à avoir un département étude et un département réalisation. Ne rêvons pas, à moins qu’un responsable décide de revoir l’organisation de ses équipes, et donc de supprimer du management inutile, cela n’arrivera pas dans votre entreprise. Par contre je pense que les startups ont vraiment à apprendre de cette approche. Mettez sur un pied d’égalité la technique, l’expérience utilisateur et la vision produit. Et surtout, mettez le client au centre du projet.
Je suis manager… et je suis Agile!
J’y suis allé pour reprendre quelques idées et écouter un retour d’expérience de l’Agilité. Cette présentation est très intéressante car elle s’adresse directement aux responsables projets et aux décideurs. Comment ne pas tuer l’Agilité, comprendre son fonctionnement et gérer le changement qu’elle apporte ? Comment se place le manager par rapport à une équipe Agile ?
En 2013 nous ne faisons plus de présentations sur « qu’est-ce que l’Agilité« . Aujourd’hui nous en sommes plus à vouloir éduquer le management. Et là, je sens que c’est un terrain glissant. Mais bon, voyons comment le sujet est mené, afin aussi de partager l’expérience opérationnelle des équipes de Xebia. Ce qui suit est une retranscription de la présentation, je pense que j’aurai un point de vue un peu plus différent.
Le passage à l’Agilité, c’est tout d’abord la gestion du changement. Qui dit changement, dit résistances au changement. Le passage à l’Agilité n’est pas un long fleuve tranquille. Ce que les équipes de Xebia constatent, c’est que l’Agilité donne un nouveau rythme aux équipes de réalisation. Parfois, pas toujours, cela créé alors de nouveaux points de contention entre les équipes métiers et les équipes de développeurs. Vous avez beau avoir un Product Owner, souvent l’entreprise conserve son organisation et donc la séparation entre le métier et la réalisation. C’est donc un constat, sans réelles solutions.
Le manager (ou pourquoi pas la responsable pour féminiser aussi ce mot) est alors placé dans un rôle d’arbitrage entre l’équipe métier et l’équipe Agile. Clément et Benjamin reviennent alors sur quelques pratiques « Agilicides » qui peuvent tuer l’Agilité dans l’oeuf. Tout d’abord, la tentation de venir interrompre le « daily-stand-up » de l’équipe afin de profiter de ce moment pour en faire une réunion d’équipe. Non, le daily-stand-up est tourné vers le projet et le produit, pas vers la discussion sur les dates des prochaines vacances (quoique…).
Ensuite, il faut combattre le droit d’ingérance et donc laisser l’équipe s’auto-gérer. Il faut aussi donner le droit à l’erreur. Si justement l’Agilité prévoit des points de rendez-vous forts (démo, retrospective et plannification), il convient de ne pas couper le cycle et de lui faire confiance lorsqu’elle est dans un cycle. Dommage ici de ne pas rappeler le rôle du Scrum Master, qui est aussi de protéger l’équipe.
Autre proposition pour le manager : ne vous appuyez pas sur un héros dans l’équipe pour résoudre un problème dans l’urgence. Vous devez aussi ne pas faire de recherche du coupable et laisser l’équipe s’auto-gérer.
Enfin en tant que manager, vos équipes changent et n’ont pas forcément la même vision que vous, lorsque vous aviez leur âge. Génération Y, volonté d’avoir un sens et des valeurs, indépendance, je veux tout et je le veux maintenant, nos jeunes recherchent un vrai leader. Si vous êtes incompétents, votre position ne vous donnera aucunes légitimités. La hiérarchie c’est pour les quadras.
Pour mieux gérer une équipe Agile (enfin l’accompagner), il existe plusieurs outils et pratiques simples, que vous, manager, devez connaître. Tout d’abord le management visuel, avec les radiateurs d’information (Kanban, mais pas que…). Ceci permet de voir et de rendre actionnable les points du projet. Il facilite la communication, c’est un réel outil qui améliore le travail de l’équipe Agile.
Ensuite le principe du Gemba Walk, qui vient du monde du Lean. Je vous demande de relire un article de 2010 sur la présentation de Régis Medina. C’est l’un des meilleurs experts du Lean en France, avec une vision très en avance sur le développement logiciel. Si vous voulez apprendre quelque chose, et dépasser l’Agilité, allez voir ses présentations.
On parle ensuite un peu de la rétrospective, et d’un outil que je ne connaissais pas, le A3 Problem Solving. C’est un système simple qui permet d’énoncer clairement un problème, de décrire les mesures pour le résoudre, et enfin d’effectuer le suivi dans le temps en précisant des indicateurs clés. PDCA, roue de Deming, bla bla bla. Bon, la partie motivation, surtout lorsque l’on s’adresse à des responsables, je vais passer.
Enfin pour terminer, Clément revient sur l’importance de gérer aussi la veille technologique et l’inspiration de ses équipes techniques. L’écrasante majorité des développeur ne sort JAMAIS de l’entreprise pour aller à une formation ou à une conférence. Pire, l’énorme majorité des développeurs ne change pas d’équipes et n’est pas capable d’expliquer ce que fait l’équipe voisine dans l’open-space. Nous vivons en autarcie, même si nous faisons de l’Agilité. Pour casser cela, vous pouvez faire venir des intervenants extérieurs « presque » gratuitement via les Brown Bag Lunch. Vous pouvez aussi revoir les équipes et laisser la liberté à chaque personne de changer d’équipe librement. Les meilleurs managers seront alors naturellement sélectionnés par les collaborateurs.
Mais bon, tout ceci c’est lorsque vous avez encore des développeurs en interne. Tout ce beau rêve ne fonctionne que si vous avez encore des ouvriers développeurs, et pas des prestataires de service. Car un truc que l’on oublie un peu vite… c’est qu’un manager reste souvent qu’un gestionnaire de ressources. SFR aurait purement et simplement retiré « développeur » de la grille interne.
La phase de questions/réponses était intéressante. Quelqu’un rappelle d’abord que l’Agilité n’est pas la déclaration d’indépendance du développeur (bien vu, je suis complètement d’accord). Qu’il y a certes de nouveaux devoirs pour le manager, mais toujours des droits. Et donc, peut-être celui d’ingérence. Là dessus je tique. Ce monsieur ne m’a pas eu comme Scrum Master. Autre question qui mérite un article : comment faites-vous pour gérer les bras cassés dans une équipe de développement ? Si c’est un prestataire de service, la question ne se pose pas. Cela concerne plus la gestion de la dette humaine. Débat intéressant qu’il faudrait traiter dans un article.
Bref une présentation bien menée, avec cependant quelques petits creux. Le souci était de faire passer un message aux décideurs, pas forcément prêt à entendre un signal venant de Coaches Agiles. Moi j’ai bien aimé. J’ai noté « syndrome Peter-Pan » et « gestion des bras cassés » sur une feuille pour y revenir plus tard.
La révolution de la User Experience et de la Dataviz par Sébastien Berten et Romain Landsberg
Le point de départ de la présentation, c’est justement Sébastien Berten. Il est co-fondateur d’UX Republic. Cette jeune entreprise de la famille Xebia prendra les codes qui ont fonctionné avec Xebia, afin de proposer une nouvelle structure de conseils autour de l’UX Design et de l’expérience utilisateur.
Quelques chiffres pour résumer simplement la présentation : 68% des visiteurs d’un site quittent celui-ci au bout de quelques minutes car l’expérience utilisateur est décevante. 44% en parlerons autour d’eux pour critiquer le site. 85% des problèmes d’expérience utilisateur peuvent être résolu avec 5 utilisateurs. Bref, vous l’aurez compris, l’UX Design est un moyen d’améliorer votre service, de revoir la façon dont vous proposez vos produits, et donc d’améliorer aussi votre marge opérationnelle. Si en plus vous aviez un bonus indexé sur la satisfaction du client… ça serait royal. J’imagine le site de l’URSSAF, du RSI, de la RAM, de mon assureur automobile et je rêve quelques instants avant de revenir à la dure réalité.
L’UX ce n’est pas « que » de beaux écrans. Ecoutez bien chers amis architectes : on s’en fiche pas mal de votre solution technique. AngularJS ou Backbone ? Hé Roger, je lui ai collé un MongoDB plutôt qu’un MySQL pour s’amuser un peu… Revenons sur la planète Terre, où le développement d’un service, d’un outil et d’une solution ne devrait être pensé QUE pour les utilisateurs finaux.
L’expérience utilisateur… Je crois que ma critique de certains outils Web vient de là.
Lorsque je clique sur le bouton « Back » et que je vois que cela fonctionne pas, je suis frustré. Lorsque je ne peux pas copier-coller une URL pour l’envoyer à un collègue, je suis frustré. Lorsqu’un système me demande un mot de passe de 8 caractères, avec une majuscule et 2 chiffres, pour le stocker au final en CLAIR dans une base MySQL… je me marre. Enfin lorsque je vois un n-ième système qui me demande de créer un « pseudo » et un « code d’accès » alors que j’aimerais utiliser mon compte Google, Github ou Facebook… je suis aussi frustré.
Bref… c’est pas du tout le sujet de la présentation, mais moi, c’est ce que cela m’a inspiré. Hop, encore une autre idée d’article pour toi lecteur.
Sébastien, Romain, super intéressant de parler des grands du Web. Mais venez aussi nous donner des conseils sur la réalisation d’applications internes et l’écrasante majorité des projets informatiques que nous réalisons. Essayez aussi de proposer une vision différente de l’application de gestion. C’est ce que fait Zengularity avec succès depuis quelques années.
On parle d’expérience utilisateur, mais parle-t-on aussi de l’expérience développeur ? De notre tristesse à devoir coder des applications moches, inutilisables, difficiles à maintenir et très mal pensées ? Qui n’a pas codé sur un projet en étant forcé d’utiliser tel ou tel framework ? Je dis pas « mort aux cellules Architectures« , mais je l’ai pensé quelques secondes.
Bref… je le dis à nouveau, c’était pas du tout le sujet de la présentation, mais moi, c’est ce que cela m’a inspiré.
Conclusion
Des idées, beaucoup d’idées et de discussions. Chaque présentation ne durait que 45mn, ce qui laissait assez de temps pour discuter et échanger entre chaque présentation. Excellente idée. Le cadre était très sympa, l’espace Georges V avait été utilisé par OCTO Technology pour l’USI en 2010. Enfin sur Xebia, force est de constater qu’en 2013, ils continuent à avancer et à imaginer différemment notre métier dans le monde du conseil et du service.
Les bonnes idées à garder :
– mettre le programme au dos du badge du participant
– cahier et pack d’accueil très sympa
– agenda et timing
– le tableau « ROTI » à la sortie de la salle (vu à Mix-IT aussi)
Quelques idées pour améliorer le concept :
– chaque personne de Xebia devrait porter un tee-shirt (et pas que les speakers) ou un badge différent
– donner le « pitch » de chaque présentation dans le guide d’accueil pour pouvoir décider d’aller voir un sujet ou non
– faire des co-présentations avec un Xebia + un client
– code couleur sur les badges
Franchement, très bonne organisation et événement sympa. Merci à Xebia France !
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> [Xebia] consacre environ 5% de sa marge au financement de cette opération. Lorsque l’on sait que les marges opérationnelles des SSII tournent entre 10 et 15% …
Je m’insurge ! Non, les marges opérationnelles des SSII ne sont pas entre 10 et 15%. Les marges opérationnelles des SSII sont plutôt entre -1 et 10% en 2013, et c’est déjà bien.
SVP, ne vendons pas du rêve aux financiers sur les SSII.
Emeric : En effet, je pense que tu as raison. D’après cette page sur Societe.com, Xebia France a réalisé un C.A de 8.3 millions d’euro et a dégagé un résultat net de 559 800 EUR, soit en effet 0.74% de marge opérationnelle.
6.74% de marge net, mais surtout 9.5% de marge opérationnelle … probablement la plus grosse marge après celle d’Alten …