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Ni manager, ni contributeur individuel…

23 juin, 2025

Cet article fait suite à la présentation des outils de génération de code, mais s’intéresse plus aux 2 voies distinctes que j’évoquais dans l’article « Devenir Staff Engineer » : manager ou individual contributor.

Au fil des années, les développeurs en entreprise sont amenés à choisir entre devenir manager, ou continuer sur la voie de l’expertise. Et il est possible de passer de l’un à l’autre.

Mais avec l’arrivée de l’IA, ces chemins se transforment radicalement. Essayons d’imaginer un futur différent, où les managers deviennent des orchestrateurs d’IA, et où le management humain a presque disparu…

Voie 1 : Le Chef d’Orchestre d’IA (ex-Management technique)

Au lieu de manager des humains, tu deviens celui qui manage une armée d’IA. C’est la voie du « AI Orchestrator ». J’imagine que nous verrons des offres d’emploi dans quelques temps, où votre capacité à faire travailler de l’IA sera fortement valorisé.

Tu ne codes plus vraiment, mais tu :

  • Définis les architectures que les IA devront implémenter
  • Valides les outputs de 10 IA différentes qui ont généré 10 000 lignes de code en 2h
  • Arbitres les conflits quand Diamond dit que le code de Cursor est pourri
  • Formes les juniors à utiliser correctement ces outils (spoiler : ils seront meilleurs que toi en 3 mois)

C’est un peu comme passer de « je manage 5 développeurs » à « je manage 5 développeurs ET 50 robots qui codent 24/7 ». La charge cognitive ? On en reparlera quand tu seras dans ta baignoire avec le chat (ceux qui ont lu l’article sur le burn-out comprendront).

Cette voie demande :

  • Une capacité à voir la big picture (l’IA ne sait pas pourquoi on construit ce truc)
  • Des compétences en prompt engineering (l’art de parler aux robots)
  • Une patience infinie pour debugger les hallucinations de l’IA
  • La sagesse de savoir quand dire non à l’IA

Notez au passage que cela vous retire de bons moments passés à la machine à café, vous fait gagner du temps sur la préparation des Promotions Cases, mais vous oblige à arbitrer entre votre développeur et Graphite, sur des revues de code…

Voie 2 : L’Artisan Augmenté (ex-Individual Contributor)

C’est la voie de celui qui reste les mains dans le cambouis, mais avec des outils surpuissants. Tu deviens un « Augmented Craftsman ». Imagine Iron Man : toujours Tony Stark, mais avec une armure qui décuple ses capacités.

Dans cette voie, tu :

  • Codes toujours, mais 10x plus vite grâce à Cursor/Windsurf
  • Résous les problèmes complexes que l’IA ne peut pas comprendre
  • Crées les patterns que l’IA utilisera ensuite
  • Maintiens l’excellence technique dans un monde où 90% du code est généré

C’est le chemin de ceux qui pensent que « Plus tu t’élèveras dans la hiérarchie, moins tu seras amené à faire ce que tu aimes faire » et qui ont décidé de rester dans ce qu’ils aiment : créer.

Cette voie demande :

  • Une expertise technique pointue (pour savoir quand l’IA raconte n’importe quoi)
  • La capacité à apprendre constamment (les outils changent tous les 3 mois)
  • Un sens critique aiguisé (non, on ne va pas utiliser 47 micro-services pour un CRUD)
  • L’humilité d’accepter qu’un junior avec une IA peut parfois coder plus vite que toi

Et il n’y a pas que le code. La génération de documents, l’analyse de données, ou la préparation de transformation dans l’entreprise : autant de sujets qui se prêtent plutôt bien à l’utilisation de la Gen AI.

Le piège des deux voies : la charge cognitive 2.0

Comme j’expliquais en 2022, il y a trois types de charges cognitives. Avec l’IA, on en ajoute une quatrième : la charge cognitive de validation.

C’est le temps mental que tu passes à :

  • Vérifier que l’IA n’a pas introduit de failles de sécurité
  • Comprendre du code que tu n’as pas écrit mais dont tu es responsable
  • Expliquer pourquoi « ça marche sur ma machine » alors que c’est l’IA qui a tout fait
  • Gérer l’anxiété de ne plus vraiment comprendre 100% de ta codebase

Cette nouvelle charge cognitive s’ajoute aux trois autres :

  • Charge intrinsèque : apprendre à utiliser 15 outils d’IA différents
  • Charge externe : gérer les notifications de Diamond qui trouve 50 bugs par jour
  • Charge pertinente : garder la vision d’ensemble quand tout va 10x plus vite

La troisième voie cachée : le Philosophe du Code

Il existe une troisième voie, dont on parle peu : celle du « Code Philosopher ». C’est la personne qui :

  • Questionne : « Pourquoi on code ça ? »
  • Conceptualise : « Comment devrait fonctionner un système idéal ? »
  • Evangelise : « Voici pourquoi il ne faut PAS utiliser l’IA pour ça »
  • Protège : « Non, on ne va pas laisser l’IA décider de l’architecture »

C’est le rôle de ceux qui ont compris que dans un monde où tout le monde peut coder, la vraie valeur est dans le POURQUOI, pas dans le COMMENT. Je n’arrive pas à définir exactement la vision de ce futur rôle, mais je pense que la philosophie sera ultra importante pour nous permettre de ne pas devenir débile.

Le Vibe coding fait de belles vidéos sur YouTube, mais ne tient pas la route en entreprise (pour l’instant). Et on ne parle même pas des impacts climatiques et énergetiques… J’imagine même des experts de l’optimisation des prompts, pour nous aider à travailler sans envoyer des contextes de 5Mo à chaque requête. Il y a un boulevard pour celui qui arrivera à optimiser les prompts, à réduire leur volume, à mettre en place un système de compaction intelligent… Je ne dis pas « GreenAI » mais je le pense très fortement… L’AI devra se pencher sur ce problème, au risque sinon de gâcher des ressources pour répondre à la question existentielle : « comment centrer un DIV dans un container, avec CSS ? »

Alors, quelle voie choisir ?

Les questions à se poser en 2025 :

  1. Est-ce que j’aime toujours coder ou est-ce que j’aime résoudre des problèmes ?
  2. Est-ce que je veux être celui qui fait ou celui qui vérifie ce que l’IA a fait ?
  3. Est-ce que je suis prêt à apprendre constamment ou je veux capitaliser sur mes acquis ?
  4. Est-ce que je veux un impact local (mon code) ou impact global (l’architecture de toute la boîte) ?

Et surtout, la question finale : Dans 5 ans, qu’est-ce qui me rendra fier ?

  • D’avoir orchestré 1000 IA pour construire un système complexe ?
  • D’avoir écrit LE bout de code que l’IA n’aurait jamais pu imaginer ?
  • D’avoir empêché ma boîte de faire n’importe quoi avec l’IA ?
  • D’avoir limité le gachis et la mauvaise utilisation de l’IA dans mon entreprise ?

« L’autonomie technique est le premier palier ». Mais aujourd’hui, ce palier a changé de hauteur. Il ne s’agit plus de savoir coder. Il s’agit de savoir QUAND coder, QUOI faire coder, et POURQUOI on code.

Et si tu hésites encore, rappelle-toi : « Si vous voulez construire un produit qui dure, il faut comprendre le cœur de votre architecture technique ET organisationnelle. » L’IA peut t’aider avec la partie technique. La partie organisationnelle et humaine, c’est toujours à toi de la gérer.

Alors, orchestrateur ou artisan ? Ou peut-être philosophe ? Le choix t’appartient…

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2 comments

  • Pierre Chapuis 23 juin 2025 at 10 h 53 min

    Le problème du Philosophe, comme les « philosophes » des autres domaines qu’on voit passer sur les plateaux d’ailleurs, c’est qu’à partir du moment où il n’a plus les mains dans le cambouis il se met souvent à raconter de plus en plus n’importe quoi.

    Surtout dans un domaine qui évolue aussi vite, raisonner sur ce qu’on a vu ne serait-ce que quelques années avant, c’est une grosse erreur. C’est facile de se croire expert quand on est présenté comme tel et que le grand public ne sait pas faire la différence… On en voit déjà certains avec des postes importants dans de grands groupes affirmer des âneries en interview, ou pire dans des conférences techniques.

  • Henri Gomez 23 juin 2025 at 15 h 25 min

    J’ai une petite préférence pour l’artisan augmenté, un peu comme les artisans du bâtiment qui sont passés d’un mode compagnon avec des outils simples et demandant beaucoup de temps pour effectuer les travaux, à nos artisans modernes bardés d’outils électriques qui leur permettent d’en faire plus car plus vite. Vision idéale, voir idyllique, la réalité sera sûrement toute autre. Un indice, regardons ce qui s’est fait dans d’autres secteurs quand les machines ont succédé à du travail manue

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