Après la keynote sur la sécurité de Marc Goodman, c’est la pause déjeuner. L’occasion de croiser quelques geeks, avant de reprendre avec une présentation de Kathryn Schultz : Et si nous avions tort ?
Kathryn Schultz est journaliste et auteur de livres, dont en particulier « Being Wrong« . L’équipe de l’organisation de l’USI 2012 a eu une très bonne idée en offrant ce livre dans le « welcome bag » du participant. Elle fait un état des lieux sur notre rapport à l’erreur. Sa présentation était assez intéressante, mais pas au point de mériter un article détaillé. Elle débute son exposé par notre rapport à l’erreur. Notre éducation nous enseigne à fuir l’erreur. Lorsque nous avons raison, ou tout du moins nous pensons que nous avons raison, nous avons un sentiment de toute puissance. Lorsque nous ne doutons pas, un sentiment de puissance nous habite. Or ne pas douter est très dangereux. Il y a ceux qui ne doutent pas car ils sont dans l’ignorance. Il y a ceux qui ne doutent pas car ils ne comprennent pas, the idocy. Et enfin il y a ceux qui savent et qui comprennent, mais qui font exprès de ne pas comprendre.
L’erreur est en fait un moyen d’apprendre et de progresser. Katheryn défend l’idée qu’il faut faire des erreurs, cela a un impact sur notre perception et finalement, nous fait avancer. Lorsque vous demandez quelque chose à un développeur, que celui-ci vous dit : non je ne pense pas que ce soit possible, c’est dommage. Ce qui serait plus intéressant c’est d’avoir la réponse : je ne sais pas si c’est possible, je vais essayer et peut-être faire une erreur.
Notre rapport à l’erreur est très compliqué. Curieusement, nous pensons toujours ne pas être dans l’erreur dans le Présent. Nous parlons des erreurs du passé… mais qui se sont bien produites à un instant T non ? L’humain a une capacité à ne pas vouloir voir ses erreurs dans le temps présent. C’est lié à notre cerveau, à notre rapport avec l’environnement et à tout ce qui est biais cognitifs. Si vous avez une heure, regardez la vidéo de l’excellente présentation de Ludovic Cinquin à l’USI 2010.
Que retenir ? Notre rapport à l’erreur, notre prise de position dans un débat, nos choix professionnels, les choix de nos frameworks webs… nous pouvons et nous nous trompons tout le temps. Je lirai le livre et je reviendrai t’en parler.
Bob Dorf : éviter l’échec des projets innovants et créer de grandes entreprises !
Je bascule dans le monde des startups, avec un gars qui en a sous le pied. Bob Dorf est un serial entrepreneur, il a investit dans 7 startups, dans 20 entreprises, il a effectué 6 IPOs et il s’est aussi pris 3 plantages. Son exposé portera sur la méthode qu’il a mis au point avec Steve Blank, regroupé dans un best-seller : « The Startup Owner’s Manual« . 608 pages de conseils et plus de 500 erreurs à ne pas faire pour améliorer les chances de réussir sa startup. Sa présentation était vraiment percutante, je vais vous livrer quelques points qui m’ont marqué.
Tout d’abord, pensez client. Ne pensez pas que vous avez une idée de génie, vous n’êtes pas un génie. Une idée ce n’est rien. C’est la présence d’un client qui achète votre service ou votre produit qui dira si vous êtes un génie ou un crétin.
Trouver des clients doit être la priorité d’une jeune startup. D’ailleurs est-ce que vous connaissez de vieilles startups ? Non ! Alors il faut que vous soyez en guerre et à la chasse au client. Vous devez mettre plus d’énergies dans la recherche de clients que dans la recherche de financement (ou d’aides publiques à la con comme en France).
Lorsqu’un jeune entrepreneur rencontre Bob Dorf et fait une présentation, souvent le jeune patron affirme clairement « je SAIS ce que veut le client ». Ce à quoi Bob Dorf répond : « …mais comment pouvez-vous le savoir puisque vous n’avez pas ENCORE UN SEUL CLIENT ? ». De ceci, il tire une règle très important : oubliez le business plan et concentrez vous sur le chemin le plus court entre votre projet et le client. Ne perdez pas un an à essayer de construire LA solution car elle n’existe pas. Il faut construire une première solution, la tester avec de vrais clients, modifier et recommencer. Et ainsi de suite. Vous devez trouver une stratégie pour faire une vente dès que possible. Si votre produit ou votre service est bon, vous pourrez alors continuer. Sinon arrêtez.
Est-ce que vous voulez écouter l’histoire d’une startup qui a dépensé presqu’un milliard de dollar sans réussir à vendre assez de produits ? Webvan était un supermarché en ligne, avec un service de livraison qui devait permettre à l’internaute de recevoir son colis dans un créneau horaire de 30 mn. La société est morte en 2001 avant d’avoir réussi à prendre une valeur sur le marché.
Le business plan est l’ennemi numéro un de la startup. C’est peut-être une réflexion sur le marché, un outil qui permet à un entrepreneur de réfléchir à son projet, mais ce n’est pas un indicateur de succès. Souvent même, il se transforme en une ancre, qui empêche la société d’évoluer. Bob Dorf dit : le Business Plan ne survit pas à la rencontre avec votre premier vrai client. Alors oubliez cette formation que vous avez eu à votre Master Internet Marketing Web Development Business of Absurdity. (ça c’est de moi)
La seule opinion qui compte c’est celle du client. Il faut définir une stratégie, mettre en places des processus et une organisation simple et agile. La clé du succès se trouve dans l’exécution.
Une startup est un organisme à la recherche d’un nouveau Business Model répétable et capable de se multiplier. Il peut s’agir d’un produit ou d’une solution pour un problème existant, ou d’une pure innovation qui répond à un besoin que n’a pas l’utilisateur, mais que vous allez créer.
Bob Dorf présente rapidement ce qu’il appelle Business Model et particulièrement le site BusinessModelGeneration.com. Vous pouvez y télécharger un PDF qui contient une simple feuille A4, qui vous permettra de créer votre business model. Camille Roux en avait parlé à Devoxx France 2012.
L’ensemble de sa présentation était vraiment intéressante, très orienté vers le Lean avec une présentation des différentes techniques d’itération, que vous pouvez mettre en oeuvre pour réussir. Bref une bonne présentation.
ChooseYourBoss par Vincent Coste et Benoît Guillou
Allez un coup de pouce pour le site ChooseYourBoss, qui est un site à suivre. Dans le même courant que l’eXpress-Board ou le job board des Human Coders, le site ChooseYourBoss permet de renverser la relation entre recruteur et recruté. Après avoir créé votre profil avec Viadeo ou LinkedIn, vous pourrez ensuite définir votre profil afin d’être contacté par les recruteurs. Le projet est développé par le groupe Figaro Classifieds en collaboration avec les équipes techniques d’OCTO. Vincent et Benoît sont 2 consultants d’OCTO.
Le groupe Figaro Classifieds est le leader des sites classiques d’offres d’emploi, propriétaire de CadresEmploi.fr, Keljob ou CadresOnline pour ne citer que quelques uns d’entre eux. Il y a 2 ans, le DSI était dans la salle à l’USI 2010 (la vidéo est encore en ligne ici) lorsque j’avais expliqué que le recrutement de l’IT ne pouvait plus s’effectuer avec les méthodes classiques. Visiblement, 2 ans plus tard, le message a été entendu et c’est tant mieux.
ChooseYourBoss est un projet qui a utilisé les principes du Lean Startup, afin de démarrer rapidement le projet. Dans la suite de l’idée de Bob Dorf, Vincent explique par exemple que le chemin le plus court entre l’idée et une version 1 était d’avoir une inscription via Facebook/Viadeo, de voir ensuite comment présenter les profils, puis finalement de contacter les recruteurs. L’ensemble des fonctions n’avait pas besoin d’être présentes au jour 1 pour développer le site.
Les équipes d’Octo et de Figaro Classifieds ont utilisé le Business Model Canvas pour définir le segment client, les canaux d’acquisitions clients, les sources de revenues… Bref un exercice intéressant qui permet d’avoir une vision synthétique de son projet d’entreprise.
Pixar par Michael B.Johnson (@drwave)
La journée se termine par une Keynote enrichissante de Pixar. Malheureusement cette keynote n’est pas filmé, vous ne pourrez pas la voir sur le site de l’USI. Heureusement j’ai pris pas mal de note. On va essayer de vous raconter ce qui s’est passé.
Michael B.Johnson est directeur du « Moving Picture Group ». Il travaille chez Pixar depuis presque 19 ans. Pixar est une société fondée en 1986. Avec 22 Oscars du cinéma, 4 Golden Globes et 2 Grammy Awards, le studio a un joli palmarès derrière lui. En 2006 la société a été racheté par le groupe Disney. Aujourd’hui il y a environ 1200 employés selon Michael. Pixar est implanté à Emeryville, mais un nouveau studio a ouvert récemment au Canada. La prochaine production s’intitule « Brave » et sortira cet été en France.
Michael commence par raconter comment se construit un film d’animation. Tout d’abord, Pixar est un studio avec un directeur, des réalisateurs et de nombreuses équipes. Le casting des équipes est très important. Pixar essaye de construire de véritables équipes sportives, pour s’engager sur des périodes de 3 ans. Il faut environ 4 ans pour réaliser un film d’animation comme Cars. De l’ébauche de l’idée jusqu’à la sortie en salle.
L’écriture de l’histoire prend environ un an. Il peut arriver à tout moment que le projet soit arrêté si finalement l’ensemble n’est pas jugé assez bon. Et c’est arrivé, mais le speaker ne donnera pas de détails. Pixar éduque ses employés afin qu’ils utilisent la critique positive. S’agissant d’artistes et de créatifs, il est important de donner son feedback, et d’être force de proposition. Michael reprend une idée évoquée lors de la keynote de Kathryb Schultz sur les erreurs : il faut essayer, essayer et essayer pour finalement trouver LA bonne idée. D’où l’importance de ne pas brider la création.
John Lasseter, le directeur artistique de Pixar, explique que « la qualité est le meilleur business ». Faire quelque chose de très très bien est un business en soit. Jason Deamer, Character Art Director, dit aussi une phrase amusante :
« Pain is temporary, Suck is for ever »
La douleur est temporaire, mais si ça craint, c’est pour toujours.
Alors comment fait Pixar pour ne pas trop se planter (22 Oscars, 4 Golden… ok vous avez compris). Et bien c’est très simple :
- Design a beliveable world
- Creates engaging characters that could exists in this world
- Tell a compelling story
Bon, si vous avez les équipes de Pixar, c’est plus facile. Mais cette approche World/Character/Story permet de construire de manière itérative le film. Lorsque le monde est bien définit, les différents personnages apparaissent. Ensuite l’histoire. Et si l’histoire ne marche pas, c’est qu’il y a un souci sur les personnages. Et si un personnage a un souci, le monde aussi. Bref un processus incrémental.
L’écriture de l’histoire ne se fait pas dans un document Word. Non, en fait tout semble reposer sur deux ou trois personnes, en mesure de faire des « sketches » (crayonnage) très rapide. Michael raconte que ces gars là peuvent crayonner une vignette en 3mn. Et pour Wall-E par exemple, il y a environ 40 000 plans.
Un point intéressant sur le recrutement que je n’oublierai pas pour ma vie future d’entrepreneur : lorsque vous recrutez un développeur, essayez de trouver une personne capable de coder rapidement et proprement. Ensuite, lorsque vous proposez un idée, le développeur peut avoir 2 attitudes. Soit il vous répond « non je ne pense pas que cela soit possible ». Soit il vous répond « oui je ne suis pas sûr mais je vais essayer ». Virez le premier et gardez le second. Vous devez avoir des gens qui échouent. Car échouer, c’est essayer. Et essayer, c’est avancer. Dire « …je ne pense pas que… » c’est informatif à défaut d’être une preuve formelle. Ecrire vite du code qui montre que l’idée est mauvaise c’est être formatif, dans le factuel. Pensez-y (et ne virez pas tous vos gars non plus).
Cela se résume avec deux phrases venant des équipes de Pixar :
« Well, do something that might fails, so that we can change-it »
et
« I want to fail as quickly as possible »
Ensuite, lorsque l’on parle d’images de synthèses, le secret de Pixar n’est pas de chercher à être réel, mais à être crédible. A moins que vous n’ayez un ami qui ressemble à Mike Wazowski, le personnage qui ressemble à un oeil vert dans Monstres et compagnies, nous parlons bien d’un film d’animation.
Pixar a créé de nombreux outils. Il y eu au départ une division pour vendre du matériel informatique signé Pixar, mais cette division a été fermée. Pixar a créé un bon nombre de logiciels et d’outils. Dans les années 2000, Michael raconte qu’il a fallut que les dessinateurs passent du papier à la palette graphique, dont le touché n’étais pas aussi bon qu’aujourd’hui. Pixar a travaillé avec Wacom afin d’avoir les meilleurs outils du marché.
Pour ce qui est de vous, en tant que manager, voici les conseils de Michael :
- Essayez de vous trouver un super-pouvoir
- Travaillez avec des gens qui sont meilleurs que vous, mais qui ne vous battent pas grâce à votre super pouvoir
- Essayez de construire votre Justice League of Amercia lorsque vous embauchez des collaborateurs. Chacun de vos coéquipiers doit avoir un super pouvoir.
- Soyez moral. La moral c’est dur mais cela paye
- Confortable being unconfortable
Pour les développeurs :
- apprenez à coder vite, à maîtriser vos outils parfaitement et à travailler simplement
- apprenez à écrire du code correct
- essayez toujours d’avoir deux ou trois idées en plus à proposer comme « … et si… et si… »
- faites partie du groupe des gens qui disent « je ne sais pas si je vais le faire mais je vais essayer »
- faites du Play! Framework pour faire du Web. Franchement.
Bon allez ok j’ai un peu triché sur la fin mais il est tard, il est temps d’aller à une soirée Oenologie avant de continuer demain matin…
Vous pouvez suivre Michael sur Twitter avec le pseudo @drwave
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Merci pour ces retours !
Merci pour ces articles
Salut Nicolas,
Merci pour le temps que tu prends à écrire ces articles de qualité, j’ai beaucoup de plaisir à les lire.
Je m’inspire beaucoup du Lean startup, du Business Model Generation pour construire le produit de modélisation et d’analyse de code dont je rêve..
D’ailleurs pour justement valider ma première itération j’ai besoin de béta-testers en ce moment 🙂 ceux qui sont intéressés peuvent s’inscrire ici : http://www.zenmodeler.com
Jérémie.
Une légère erreur de traduction je pense (vers le milieu, à propos du modèle de Pixar) : « Et si l’histoire ne marche pas, c’est qu’il y a un souci sur les caractères. Et si un caractère a un souci, le monde aussi. Bref un processus incrémental. »
caractère = character = personnage ? 😉
@Corentin : corrigé, merci 🙂