En avril dernier, Economic Media a estimé que 50% des personnes qui passent une interview technique utilisent un outil d’intelligence artificielle (source). Cela va de l’assistance à la préparation d’un exercice, jusqu’à tricher en temps réel lors des tests techniques. Avec la pandémie en 2020/2021, la majorité des entreprises a basculé sur des entretiens à distance.
La frontière entre « je me fais aider » et « je triche aux tests techniques » est sous votre contrôle. Je donnerai mon avis, mais j’aimerais plutôt ici proposer des idées/des pistes pour les candidats, afin de mieux réussir les tests techniques.
Vous allez passer entre 4 et 6 entretiens
Les candidats qui souhaitent rejoindre une entreprise comme Back Market ou Doctolib par exemple, doivent passer toute une série d’entretiens :
- Screening – appel réalisé par la personne en charge du recrutement (Talent Acquisition). Cet interview permet de s’assurer que le candidat correspond à l’offre de poste
- Test de programmation – appel réalisé en général par 2 développeurs, avec le candidat. Il s’agira de coder une application, de fixer des tests qui ne marchent pas ou de revoir du code pour l’améliorer. Le candidat utilise son propre ordinateur, partage son écran, et doit le faire en temps réel. Le test est adapté selon le poste. Les tests pour un développeur Backend ne seront pas les mêmes que pour un développeur Mobile iOS par exemple.
- Test de culture technique/conception système : le test de System Design est l’un de mes exercices favoris. Chez Doctolib j’ai fait passer plus de 46 candidats en 2 ans, et j’avais travaillé pour moderniser cet exercice. Vous pourrez découvrir dans cet article un exemple de déroulé.
- Entretien technique de leadership
- Cet entretien est une mise en situation, où l’on cherche à évaluer les capacités de leadership du candidat. Il est plus adapté aux profils avec au moins 5 années d’expérience. Et il devient très important pour des profils de Staff Engineer par exemple.
Les autres entretiens ensuite sont plus axés sur le poste à pourvoir : rencontre avec le futur manager, et ensuite une dernière interview pour évaluer les valeurs du candidat par rapport à la mission de l’entreprise. Cela donne 6 entretiens à passer, que ce soit chez Doctolib ou chez Back Market, 2 entreprises pour lesquelles j’ai travaillé.
Préparer le premier entretien de rencontre avec l’entreprise
Maintenant que le décor est posé, voyons où et quand les candidats vont utiliser des outils d’intelligence artificielle pour s’aider durant ce process. Et ensuite, comment s’assurer que nous recrutons bien Paul G. et pas ChatGPT?
L’étape du Screening permet au Talent Acquisition de valider le profil et les attentes du candidat (salaire, type de poste, localisation, disponibilités, etc). A cette étape, un candidat peut se préparer s’il n’est pas à l’aise, avec un outil comme ChatGPT ou Claude.
En général cet interview se fait en vidéo conférence, et dure entre 45 et 60mn. C’est aussi l’occasion pour vous, en tant que candidat, pour poser des questions sur le poste et sur l’entreprise en général. N’hésitez pas à demander comment se déroule le processus de recrutement, s’il faut préparer quelque chose ou non. Et je vous conseille aussi d’essayer de grouper les interviews pour la même entreprise. Plus vite vous aurez le coup de coeur (ou non) pour l’entreprise, plus vite vous pourrez vous organiser.
Vous pouvez utiliser ChatGPT ou Claude pour vous préparer à ce type d’entretien. Il suffit pour cela de décrire votre rôle ou position actuelle, d’expliquer le type de poste pour lequel vous postulez, et de demander ensuite à l’outil de vous interviewer. C’est intéressant de le faire en Anglais, car la majorité des entreprises comme BM ou Doctolib font passer ces entretiens en Anglais. Le Français est parfois utilisé lors du premier appel, mais c’est rare. Si votre niveau d’Anglais n’est pas bon, vous ne pourrez pas aller plus loin.
Voici un exemple de prompt avec Claude :
I am a junior software developer with 2 years of experience in a financial startup with 30 employees. I am applying to a job for a bigger company. The job title is « Software developer ». I need to prepare a Screen interview for next week. Can you help me and simulate an interview? What are the kind of typical questions a Talent Acquisition can ask me? Be synthetic and prepare 5 questions for me.
I’ll simulate a screening interview with you! Here are 5 typical questions a Talent Acquisition professional would ask during a phone/video screen for a software developer role at a larger company:
1. Background & Transition Motivation « Can you walk me through your experience at your current fintech startup? What’s driving you to make the move from a 30-person company to a larger organization like ours? »
2. Technical Stack & Adaptability « What programming languages and technologies have you been working with in your current role? How do you typically approach learning new technologies when requirements change? »
3. Collaboration & Scale « In your startup environment, you’ve likely worn many hats. Can you describe how you collaborate with other developers and stakeholders? How do you think you’d adapt to working within larger, more structured development teams? »
4. Problem-Solving Example « Tell me about a challenging technical problem you’ve solved recently. What was the issue, how did you approach it, and what was the outcome? »
5. Growth & Future Goals « Where do you see yourself growing as a developer in the next 2-3 years? What specific skills or areas are you most excited to develop further? »
Ready to practice? I can ask you these questions one by one and provide feedback on your responses, or we can do a full mock interview. Just let me know how you’d like to structure this practice session!
Remember: Keep answers concise (1-2 minutes each), use specific examples, and show enthusiasm for both your current experience and future growth opportunities.
C’est une façon de se préparer et vous pouvez répéter et adapter l’exercice selon le poste visé.
Les tests techniques en 2025, encore utiles ou dépassés ?
Les entreprises utilisent des plateformes comme LeetCode pour faire passer des tests de programmation simples. Le candidat se connecte sur un site web, il doit résoudre un exercice et il partage son écran, via Zoom ou Google Meet. Les interviewers peuvent voir l’enregistrement, mais sont en général présents avec le candidat, durant l’exercice.
Le premier souci c’est que les exercices proposés sont très loin de la réalité du terrain. En 28 ans de carrière, je n’ai jamais eu à coder moi-même un arbre binaire ou le tri d’une liste pour un projet… même si j’apprécie l’exercice et que cela m’intéresse. Ces sites évaluent votre capacité à analyser un problème, puis à le décomposer et à le développer devant des observateurs.
Le deuxième souci c’est comme le syndrome de la Parurésie : certains n’arrivent pas à coder devant d’autres personnes, et perdent leurs moyens. Je connais de très bons développeurs, qui sont pourtant de très mauvais « live-codeur ». Et j’ai vu tellement d’orateurs et d’oratrices à Devoxx France depuis 2012, que je suis intimement convaincu que tout le monde ne peut pas être excellent à cet exercice. Et que donc, il est stupide d’évaluer un développeur sur sa capacité à pisser du code (d’où la référence à la Parurésie)
En mars 2025, Roy Lee, un ex-étudiant de l’université de Columbia, a créé un outil pour tricher en temps réel sur les plateformes comme LeetCode. L’outil « Interview Coder » se place en sur-impression de l’écran, sans que le signal vidéo intercepte la capture (comme le fait OBS par exemple pour faire du streaming).

Le site prétend que 87 000 développeurs utilisent cet outil. L’affaire a fait du bruit car Roy Lee a passé les entretiens chez Amazon (en mars) puis ensuite chez d’autres entreprises comme Meta, TikTok, afin de montrer que son outil fonctionnait correctement.
Son histoire est fascinante : il se fait d’abord exclure de l’université de Harvard en première année lors d’une sortie scolaire, pour être revenu très tard dans la nuit, comme il l’explique dans cette vidéo de 2025. Cependant il ne dit rien à sa famille, s’enferme pendant une année, et commence à apprendre à programmer. Il découvre la plate-forme LeetCode, il se met à passer tous les exercices pour être dans le top 1.87% des personnes sur cette plate-forme. Il passe 620 questions sur les 3475. Et de son propre avis, c’est assez misérable, et cela n’apprend pas réellement à programmer. Entre-temps, il est pris à l’université de Columbia, et il est redevenu étudiant.
Il pense alors à créer un système pour démonter ces plateformes d’interview, et il crée un outil début mars, qui permet de passer les tests techniques sans être détecté. Il avoue d’ailleurs qu’il a utilisé des outils de LLMs pour code ce système. Et cela entraine ensuite une sanction le 10 mars 2025 de la part de l’université de Columbia. Le voilà suspendu à nouveau.
Il faut dire qu’il a enregistré et passé des interviews chez Amazon, puis ensuite chez d’autres entreprises. En quelques semaines, ses démonstrations sont devenues virales. Il est même passé au rang 7 des comptes Twitter techniques les plus influents sur Leak.me.
C’est donc inévitable : les tests techniques réalisés via un site web ne sont plus fiables.
Peut-on se passer de ces exercices ?
Je pense sincérement que la capacité à écrire un programme est inutile. Je serai même prêt à passer un entretien technique, à prendre un langage que je ne connais pas du tout, et à montrer comment utiliser un outil comme Claude Code pour réussir l’entretien. Alors que je ne connais pas la syntaxe du langage.
Se faisant, je pourrai montrer comment je décompose la question, quelle est mon approche et ma façon de résoudre le souci, et comment construire/écrire du code pour répondre à la question.
En fait, je montrerai ma maîtrise de Claude Code, au recruteur. Je lui montrerai comment je peux intégrer un serveur MCP pour piloter mon navigateur ou un autre serveur MCP pour déployer la solution sur Digital Océan.
Je pense que les exercices « bruts » ne permettent plus de détecter réellement les connaissances d’un candidat, et qu’il faut utiliser d’autres approches.
L’exercice du « System Design »
Sans refaire tout l’article sur ce même sujet, en quelques lignes pour les lecteurs venant de LinkedIn, voici de quoi on parle. Cet interview dure en général une heure, sur un tableau blanc ou un outil de dessin comme Excalidraw. C’est une discussion entre le candidat et 2 interviewers, en général des développeurs un peu plus sénior que le poste visé. Le candidat doit résoudre et présenter comment il architecturerait une solution pour répondre à un problème technique. Il doit se faire clarifier l’objectif, et exposer une architecture complète, montrer sa culture technique et ses connaissances, pour répondre aux questions des interviewers.
J’aime beaucoup cet exercice et je pense qu’il est plus difficile de tricher, mais qu’il n’est pas impossible de se faire aider par des outils comme ChatGPT ou Claude, durant l’interview.
Lorsque je fais passer cet entretien, je vais évaluer différents critères :
- la pensée/vision de l’architecture : est-ce que le candidat est capable de décomposer ma demande et peut-il résoudre un problème complexe ?
- connaissances techniques : base de données, cache, répartition de charge, micro-service ou monolithe. Le candidat doit argumenter et justifier ses réponses. Pourquoi MongoDB au lieu de PostgreSQL ?
- scalabilité : comment gérer la charge/les montées en charge ?
- auto-critique : je demande au candidat d’identifier le point faible ou le point sur lequel il y a un compromis, et de justifier
- communication : je vérifie que le candidat est capable de présenter simplement, qu’il ne me raconte pas n’importe quoi.
C’est un exercice qui peut être réalisé par les développeurs backends, frontend ou mobile. Il suffit d’adapter la question au profil du candidat. Il teste les bases, surtout pour les candidats juniors. Et il teste l’expérience pour les personnes plus expérimentées.
Pour devenir Principal Engineer chez Doctolib et ensuite Back Market, j’ai dû réaliser cet exercice, en allant jusqu’à proposer une vision qui impacte l’ensemble de l’entreprise (et pas uniquement la partie technique). Et l’expérience/le fait d’avoir réellement vécu certaines situations ont été les clés pour convaincre mes interlocuteurs de mon parcours.
Comment se préparer et s’entraîner ?
Un outil comme « Claude » peut vous aider à vous mettre en situation, et vous permettre de jouer l’interview. Il existe un plugin qui permet de capturer le son de sa voix, et de parler littéralement avec ChatGPT ou Claude. Ce n’est pas encore au niveau de ce qu’une interview réelle vous demandera. Mais c’est assez proche et assez étonnant. Vous pouvez vous amuser, et améliorer votre niveau d’Anglais, pour le réussir.
L’exemple le plus classique : « concevez un système pour raccourcir les URL comme Bit.LY ». Vous pouvez prendre Claude et lui demander de vous faire passer cet entretien :

À titre de comparaison, une plate-forme de place de marché comme BackMarket, uniquement sur le site français, reçoit 2,2 milliards de requêtes par mois, 21 millions de visiteurs différents, et 73% du contenu est caché sur le CDN CloudFlare. Pour les requêtes qui touchent ensuite nos infrastructures, cela représente 13 750 requêtes par minute en moyenne. Durant le pic de la vaccination, le 12 juillet 2021 sur Doctolib, j’ai vu 1.89 million de requêtes par minute. Cela vous donne une idée de ce que de « vrais sites » doivent gérer. Et avoir ces ordres de grandeur (en travaillant à la minute par exemple), permet de concevoir une architecture réaliste.
Même si un outil peut vous aider, il aura tendance à être trop parfait. Et pour avoir vu de nombreux candidats, je me méfie toujours d’un candidat qui me semble « trop bon ». Chacun a ses limites. Lors de l’entretien, ma méthode sera de trouver la limite des connaissances du candidat. J’attends d’entendre « désolé, je ne sais pas la réponse à votre question, mais je procéderai comme suit pour me renseigner…« . J’attends que le candidat soit transparent et honnête.
Et les outils d’IA pour les interviewers ?
En juillet dernier, j’étais invité pour faire passer l’un des derniers entretiens de notre cycle de recrutement. Il s’agit d’un échange sur les « BM Values » : les valeurs de l’entreprise. Cet entretien doit permettre de vérifier si le candidat partage les valeurs de l’entreprise, est sensible à l’impact et sait rester humble/pragmatique.
En tant qu’intervieweur, j’ai fait l’expérience de prendre le CV du candidat, de prendre des articles LinkedIn écrits par cette personne, puis de demander à Claude d’analyser le parcours, et de me proposer des questions pertinentes, après avoir présenté les valeurs de notre entreprise. Cela m’a d’abord aidé à mieux comprendre le profil de la personne (un futur directeur dans une division métier importante chez nous), profil pas du tout technique. Je l’ai dit ensuite au candidat : « j’ai préparé cet entretien avec Claude, qu’en pensez-vous? ». Il a apprécié l’échange, la qualité des questions et nous avons ensuite discuté de l’impact de l’IA dans son secteur et sur son métier, et sur son futur poste chez Back Market.
Conclusion
Il me semble impossible d’ignorer les outils comme ChatGPT ou Claude en 2025. Et concernant les tests techniques, il faudra trouver d’autres idées pour s’assurer qu’un développeur maîtrise les bases du développement.
Mais je pense qu’il sera aussi nécessaire d’évaluer le niveau de connaissance et la capacité à écrire des prompts. et à utiliser des outils comme « Claude Code ». Peut-être que le prochain test technique que nous ferons ensemble sera justement de me montrer comment vous utilisez Claude Code…
Les développeurs ne seront pas remplacés par l’IA, mais par d’autres développeurs qui codent et utilisent l’IA.
C’est inéluctable.
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