On ne démissionne pas à un instant précis. On démissionne à la fin d’un parcours et d’une analyse, comme une évidence.
Je l’ai compris y’a quelques mois.
Je relisais cet article « Shields Down » de Michael Loop (thanks Oggy for the link) et je ne vous cache pas que ce que vous lirez, partage pas mal d’observations.
Le départ de quelqu’un dans une équipe, ou de l’entreprise, est un événement qui vous arrivera. J’ai connu des personnes qui ont travaillé dans la même entreprise d’informatique, et qui y sont restés 20/25 ans. Chez Doctolib comme Back Market, il y a des personnes qui étaient présentes à la création de ces 2 entreprises, il y a 10 ans. Pour ma part, je pense avoir changé une dizaine de fois de société, depuis que je travaille (été 1997, oui ça fait un baille…).
A un moment donné, tout devient clair : il faut que je démissionne. C’est une offre intéressante de la part d’une autre entreprise, ou alors un ras-le-bol, qui entraîne un départ.
Je reviens au 24 octobre 2023, date à laquelle j’ai posé ma démission de Doctolib, pour rejoindre Back Market en janvier 2024. J’ai passé tous les entretiens chez Back Market, j’ai une offre, et j’ai envie de rejoindre cette entreprise. J’annonce, ça fait mal, c’est comme cela. Je ne voyais pas de perspectives d’évolution, et mon impact était devenu insignifiant, je n’arrivais pas à avancer.
La question intéressante c’est « quand » ? A quel moment précis votre cerveau prendra-t-il cette décision ?
Petite check-list. Parcourez la liste suivante et tentez de répondre en une phrase à chaque question :
- Raconte moi la dernière fois que tu as eu bon moment dans ton équipe
- As-tu une perspective d’évolution dans ton poste ou dans une autre équipe ?
- Comment te vois-tu dans 6 mois ? Dans un an ?
- Es-tu satisfait de ta rémunération ?
- Quelle est la dernière fois que tu as appris quelque chose ?
- Es-tu respecté dans ton rôle et sur le travail que tu fais ?
- Fais-tu confiance à tes managers ? à la direction de l’entreprise ?
- As-tu parlé d’évolution avec ton manager ? As-tu un plan de progression ?
- Es-tu en accord avec les valeurs de tes dirigeants ?
- Est-ce que tu penses à ton travail en dehors des heures de bureaux ? La nuit ?
- Quel est la dernière fois que tu as eu un bon moment devant une ligne de code ?
- Penses-tu préparer une demande de promotion cette année ?
Il sera normal d’avoir quelques réponses négatives. La question se posera plus lorsque vous aurez débloqué l’ensemble de ces questions. Et là, je pense que vous aurez envie de quitter l’entreprise.
Il faut partir.
Je vais vous partager quelques moments de ruptures dans ma carrière professionnelle, pour vous expliquer comment j’ai vécu la situation, et ce que j’en ai retiré.
Le départ « brutal »
Il y a certaines situations toxiques où c’est une question de survie et de bien-être.
Imaginez qu’un matin, vous êtes au bureau. Vous êtes en mission freelance. Ambiance très lourde. Vous dormez mal depuis plusieurs semaines. Vous savez que vous allez partir, mais vous ne savez pas encore quand et comment.
Arrive 10h03, une enveloppe sur votre bureau avec un chèque qui correspond à votre facture et les jours que vous avez fait depuis le début du mois. J’étais à 2 pas du Marriott dans Paris, dans un petit incubateur de startup. Le projet allait dans le mur, et je n’arrivais pas à comprendre comment le dirigeant allait réussir à avoir un marché et des clients, sauf à arnaquer ces clients. J’ai eu le courage de vider mon sac et la personne en face de moi a alors immédiatement compris que c’était terminé. J’étais dans le RER 30 minutes plus tard et je suis revenu un peu sonné (mais soulagé) à la maison.
Autre histoire, plus tard. Je suis freelance et associé dans une entreprise où j’ai mis une somme d’argent à 4 zéros. Je ne suis pas l’un des fondateurs, mais une pièce rapprochée, qui a mis un billet dans l’entreprise. Les dernières semaines sont très difficiles car la trésorerie est vide. Il est difficile de se faire payer et j’épuise mes économies pour tenir. Le patron est sympa car lorsqu’il rentre de son week-end dans le Perche, ils nous offre des oeufs, pondus par ses poules. Le produit que nous avons développé marche plutôt bien, mais notre activité ressemble plus à une SSII, qu’à un éditeur de logiciel. Nous offrons du temps à nos clients « royaux » au lieu d’être rentable. Difficile de tenir. Bref un jour, voilà-ti pas que nous découvrons qu’il a fait des achats d’un poulailler et de poules avec la carte de la boite, il y a quelques mois…
Dis-donc, les oeufs que tu nous offres, on les a un peu financé en fait.
Et ensuite, voilà-ti pas que sa compagne achète aussi de beaux meubles vintages pour meubler nos bureaux, avec la carte de l’entreprise. Sauf que le mobilier en question n’était pas dans nos bureaux. Il devait sans doute être dans la maison de week-end (comme le compte Instagram de la dite personne le montrait). Ah et aussi sa compagne était brocanteuse. Elle revendait à fort prix le mobilier acheté avec la carte de l’entreprise. Bref me voilà encore dans un Uber à 10h30, et j’étais à la maison, soulagé de ne plus avoir à travailler avec un escroc.
Donc des départs brutaux, oui. Je n’ai pas eu à vivre cette situation en tant que salarié. J’étais freelance, ce qui rend compliqué la relation, puisque la relation entre mes compétences et l’entreprise est purement commerciale…
Le départ « faut que j’y aille »
Poser sa démission, terminer son travail correctement, dire au revoir aux personnes avec lesquelles vous avez travaillé, et passer à autre chose. C’est parfois dur de devoir rester après avoir posé sa « dem« . Mais ne pas partir trop rapidement, penser aussi aux gens après vous, je crois que c’est important.
J’ai toujours démissionné en ayant signé un autre poste derrière (sauf lorsque je suis devenu freelance en 2008 après Reuters). Il m’est aussi arrivé de passer des entretiens, de voir que finalement je n’étais pas si mal dans mon poste actuel, et de rester beaucoup plus longtemps dans l’entreprise.
En 1999 lorsque je quitte Coplanet pour rejoindre en secret Dotvision, avec quelques collègues de Coplanet, nous essayons de rester discret. Fisystem vient de racheter Coplanet, et tout le monde profite de la bulle internet pour partir dans différentes entreprises. Je fais le choix avec 8 autres personnes de démarrer une aventure dans une petite startup autour de Java et de la 3D. Je me souviens qu’il avait été dur de devoir mentir à ses anciens collègues. Tous ne pouvaient pas venir et tout le monde n’avait pas forcément le profil pour bosser en startup.
Pour quitter Reuters, où je suis resté de 2003 à l’été 2008, j’ai du prendre position par rapport à ce que voulait le management à l’époque. Au début de 2008, je commence à coder un logiciel de surveillance réseau avec un copain le soir, après le boulot. On se renseigne pour déposer les status de l’entreprise. Je pose ma démission et je m’engage à faire les 3 mois de préavis. A cette époque, je ne cherche pas à jouer la carte du chomage. Il était aussi plus difficile d’être demandeur d’emploi, et j’étais mal informé. Bref me voilà dans la période du préavis, à terminer mon job de Tech Leader (Engineering Manager). Mon associé cependant décide de ne pas démissionner et nous doutons de notre projet. Voyant le mois de septembre arrivé à grand pas, je décide alors de déposer les status d’Innoteria, ma structure de freelance. Je cherche 2 jours et je trouve une mission payée 750 euros par jour chez BNP Paribas… Me voilà freelance, indépendant et surtout libre… On est en 2008. 750 euros par jour.
La fin et la suite
Une fois parti, je suis toujours resté fidèle à mes anciens collègues, et j’avoue que je tourne assez vite la page. Je ne garde pas de rancoeur contre les personnes, sauf pour l’escroc qui nous faisait manger nos propres oeufs. J’ai revu avec plaisir d’anciens associés, clients et des responsables, avec lesquels je suis resté ami.
Le monde est assez petit en fait. Tout se sait, et tout le monde a le droit d’avancer et de passer à autre chose. Pour ma part, j’ai pas mal évolué car j’ai changé de métier au fil des années. Freelance avec un rôle de tech-lead, Lead Dev chez ZapTavel, puis CTO/investisseur dans la boîte des oeufs bios du Perche, puis Directeur Général avec 29 salariés, et ensuite Principal Engineer chez Doctolib, puis Back Market.
Je repense cependant de temps en temps à Didier Girard (SFEIR) qui disait à juste titre, que la majorité d’entre nous restera 4/6 ans dans son entreprise. Il voulait que le temps passé par ses collaborateurs soit le plus intéressant possible pour eux. Il voulait aussi être réaliste et ne pas penser que les personnes resteraient 10 ou 15 ans. C’est possible, mais c’est plutôt l’exception.
Enfin, à titre personnel je ne suis jamais resté dans une entreprise jusqu’à attendre que l’on me vire. Je n’ai négocié qu’une seule fois, une rupture conventionnelle. Le reste ? J’ai posé ma démission et je suis parti. J’ai vu un de mes collègues qui a démarré une discussion en août, et qui s’est fait virer finalement en mars. Entre temps, j’ai fait des entretiens dans une autre entreprise, j’ai posé ma démission et je suis parti avant lui. Autre moment, autre aventure : lorsqu’une entreprise où je travaillais avait des difficultés, et qu’il était clair que nous ne pourrions pas rattraper la situation, je me suis mis à la recherche, et j’ai quitté l’entreprise. J’ai toujours préféré avoir le contrôle sur le futur. Rejoindre Doctolib ou Back Market n’a pas été facile, avec à chaque fois 6 à 7 entretiens, dont certains sont éliminatoires. Et on repart aussi pour une période d’essai à chaque fois… Période qui peut aussi vous servir si vous vous rendez compte que votre nouveau poste n’est pas à la hauteur de ce que l’on vous avait expliqué.
J’espère que cet article vous donnera un point de vue sur la démission.
Aujourd’hui tout va bien, je ne pense pas finir ma carrière chez Back Market, mais je suis très heureux de la situation actuelle, des projets et surtout, des personnes avec lesquelles je travaille.
A suivre…
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